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26.07.2014

Interview : Florent IKOLI, Conservateur de la réserve des gorilles de LESIO LOUNA : « Pour voir les gorilles à dos argentés en liberté, il faut au moins trois jours… »

Lors de la tenue à Brazzaville du 21 au 26 octobre 2012 des réunions internationales sur le processus REDD+ (13ème Comité des Participants du Fonds de Partenariat pour le Carbone Forestier, 5ème assemblée générale du FCPF et de l’ONU-REDD, et du 9ème Conseil d’orientation de l’ONU-REDD), les participants à ces travaux ont effectué des visites des terrains à Pokola et à Lesio Louna. A l’issue de cette visite, M. Florent IKOLI conservateur de la réserve des gorilles de Lesio Louna, s’est prêté aux questions de la rédaction du site web du Ministère de l’Economie Forestière et du Développement Durable. Voici l’intégralité de cette interview. Question : Monsieur Florent IKOLI, bonjour ! En votre qualité de conservateur de la réserve des gorilles de LESIO LOUNA, pouvez-vous nous présenter les caractéristiques de cette réserve et depuis combien d’années êtes-vous à sa tête?


Florent IKOLI : Merci de me donner l’opportunité de m’exprimer en ce qui concerne la structure que nous animons. En tant que conservateur, c’est depuis l’année 2004 que je dirige cette structure.

La réserve naturelle des gorilles de la LESIO LOUNA est du point de vue de la flore, constituée d’une mosaïque de savanes et de forêts galeries. La dominance c’est la savane. Il ya aussi des forêts en flanc de montagne, et des forêts sur le plateau parce que nous sommes là déjà dans l’une des régions des plateaux Batékés.

Cette réserve couvre 173.000 hectares, et se situe dans le département du Pool dans le district de N’GABE. C’est l’aire protégée la plus proche de Brazzaville parce qu’elle est précisément à 160 kilomètres sur la nationale n°2 au nord de Brazzaville.

Question : Qu’en est-il de la faune dans cette réserve ?

F.I. : En ce qui concerne la faune, il y a d’abord l’espèce phare et emblématique qui est le gorille. Nous avons ici le programme de réintroduction des gorilles, il s’agit des gorilles des plaines de l’Ouest, (Gorilla gorilla gorilla), et ce programme s’exécute dans notre aire protégée, en dehors de cela nous avons d’autres espèces qui sont l’hippopotame, le buffle, les sitatunga, les potamochères, les céphalophes, il ya encore d’autres céphalophes tels que le scriptus, le céphalophus scriptus, il ya aussi dans l’aire protégée d’autres primates qui sont le cercopithèque de Brazza, le céphus et les vervex. Tout cet écosystème doit être protégé. Que ce soit au niveau savanicole, des forêts, des rivières, que ce soient les espèces autochtones, les bassins versants.

Question : A la faveur de la tenue à Brazzaville du 13ème Comité des Participants du Fonds de Partenariat pour le Carbone Forestier (FCPF), et de la 9ème session du Conseil d’orientation de l’ONU-REDD, plusieurs participants venus des quatre coins du monde ont choisi de visiter cette réserve de gorilles. Tant d’étrangers ont été déplacés de Brazzaville pour ne visiter que cinq jeunes gorilles ?

F.I. : Nous avons vu des jeunes gorilles qui sont prêts à être réintroduits. J’ai dis que nous exécutons un programme de réintroduction et là nous avons un cheptel de trente et un (31) gorilles à ce jour. Ce n’est pas peu à proximité de Brazzaville. Il ya déjà eu des réintroductions et aujourd’hui les gorilles sont libre. On ne peut pas emmener près de 80 personnes pour aller observer des gorilles en liberté, ce n’est pas possible, cela ne jamais passé nulle part ailleurs. Je vous mets au défi. C’est infaisable.

Maintenant si les gens veulent observer les gorilles, les voir en liberté, il faut au moins trois jours, pister, voir là où ils se trouvent, et là vous pouvez observer les vraies familles des gorilles telles les gorilles à dos argentés. Cela ne peut se faire avec 80 personnes en forêt, avec tout le bruit etc. Voilà pourquoi nous avons opté pour la visite de l’essentiel : la nurserie.

Question : N’ya t’il pas de risques que ces gorilles s’échappent étant entendu qu’ils sont dans leur milieu naturel ?

F.I. : Non, ils sont suivis. Vous avez dû observer les nurses qui sont là, et qui les emmènent dans la forêt pour la phase d’habituation, parce que ce sont des orphelins, c’étaient des bébés, ils ont été pris en charge, maintenant s’ils ont un âge que nous jugeons qu’ils peuvent se prendre en charge, et que nous pouvons aller vers la réintroduction, en ce moment là ils seront libres comme les autres.

Question : Une fois ces jeunes gorilles réintroduits, la réserve sera finalement vide ?

F.I. : Il ya trois autres sur les six que vous avez vu, qui ont une moyenne d’âge de cinq ans. Ceux là peuvent se prendre en charge, mais les plus petits, on va continuer à les habituer jusqu’à ce qu’ils arrivent à se prendre en charge. Nous protégeons toute la réserve avec ses ressources pour qu’elles se pérennisent. Nous faisons une gestion de ces ressources. Même ceux qui sont totalement libres, nous avons un suivi à faire, savoir s’ils sont en bonne santé, dans quelle zone ils se trouvent, s’ils n’ont pas été victimes d’un piégeage par un braconnier, d’une blessure etc. Donc leur état physiologique nous préoccupe. Toutes les semaines nous devons connaître leur migration. Il y a des moments où nous avons le contact direct pour voir si tout le groupe est intact, s’il n’ya pas de blessés ou s’il n’ya aucun de perdu.

Question : De quelle manière cette réserve est-elle gérée ?

F.I. : Ce projet est géré en partenariat entre le gouvernement de la République du Congo et la Fondation ASPINAL. Cette fondation a signé un accord de coopération avec l’Etat Congolais. Il ya également un Protocole d’accord qui a été signé pour la gestion de l’aire protégée. Dans cette structure, je suis conservateur gestionnaire d’une aire protégée et dans le cadre du projet, je représente la partie congolaise. Depuis une décennie, la fondation ASPINAL finance en majeure partie le projet. Il ya aussi le financement de l’Etat Congolais. Le résultat que vous avez observé, est le fruit d’un travail conjoint que nous faisons.

Question : Quelle est la nature des relations que vous entretenez avec les populations du district de N’GABE ?

F.I. : Les relations sont bonnes, autrement dit les populations auraient rejeté ce projet. Mes prédécesseurs se sont installés dans ce site depuis 1994, jusqu’aujourd’hui nous sommes dans la contrée, c’est que ces populations ont accepté et adopté ce projet. Mais cependant, ils ont une revendication : ils veulent également en tirer profit. En raison de toutes les interdictions qui leur sont faites,  elles se posent la question de savoir ce qu’elles gagnent en contre partie ? 

Question : Face à cette revendication, quelle approche de solution leur avez-vous proposez ?

F.I. : Face à leur doléance, il s’agit de les impliquer et d’intérioriser en eux que ce que nous faisons, c’est pour leur bien parce que c’est leur terroir, et qu’il ya au finish, le développement de la contrée, et qu’ils vont gagner en contre partie, parce qu’il y aura la rétrocession des revenus touristiques qui en découleront. Vous savez, les douleurs d’accouchement sont difficiles, mais à la fin, on a la joie. Quand on plante un arbre fruitier, ce n’est pas du jour au lendemain que l’on récolte les fruits. Le Chemin de Fer Congo Océan est l’un des poumons économiques de notre pays. Beau coup de personnes sont mortes lors de sa construction, à la limite c’était de l’esclavage pour les ouvriers de cette époque. Aujourd’hui, nous en tirons tout le profit. J’ai pris cet exemple du CFCO pour montrer que les problèmes de conservation n’ont pas un cash immédiat, il faut s’armer d’un peu de patience pour bénéficier des retombées que  j’ai évoquées sur le tourisme par exemple. Il faut qu’on développe aussi d’autres mécanismes ou programmes pour faire que d’autres initiatives soient prises pour développer ce terroir.

C’est le cas du lancement par le chef de l’Etat du Programme National d’Afforestation et de Reboisement  (PRONAR) qui est un vaste programme prometteur pour cette contrée des districts d’Ignié et de N’gabé. En dépit de quelques atermoiements, nous continuons à réfléchir et de plus en plus nous impliquons les populations. Vous avez constatez la présence du chef du village et son équipe. C’est dire que nous faisons les choses en les associant parce qu’ils peuvent penser que tous ces gens qui sont arrivés, ont peut-être apporté ou remis quelque chose. Ils ont constaté eux-mêmes qu’ils sont juste venus visiter le site et nous ont encouragé.

Dans le cadre du plan d’aménagement nous voulons associer tout le monde. On ne peut pas faire la conservation et obtenir  des résultats sans l’implication des populations locales. Il ya du travail à faire parce que ce n’est pas facile.

Auteur : Propos recueillis par Aurélien – Després TATY DCV/CAB/MEFDD

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